Malgré les nuages, Lac-Mégantic a souligné mardi les huit ans du catastrophique déraillement de train du 6 juillet 2013 en se tournant vers le soleil. La municipalité de l’Estrie a inauguré un parc solaire nouveau genre qui la rendra moins dépendante des énergies fossiles comme le pétrole, en attendant de s’en débarrasser complètement.
Construit par Hydro-Québec et des partenaires du secteur privé, le parc en question est doté d’un peu plus de 1800 panneaux solaires placés sur les toits du complexe sportif municipal et d’une partie de la trentaine de bâtiments qui forment le centre-ville de Lac-Mégantic. À terme, il devrait en compter 2200. D’une puissance maximale de 800 kilowatts, le parc pourra alors fournir par moments près du double de l’électricité consommée par le quartier qu’il dessert.
En ce mardi où le ciel grisâtre pesait lourd au-dessus des têtes des dizaines de personnes présentes pour inaugurer ce qu’Hydro-Québec appelle son premier « microréseau », les quelques rayons de soleil qui filtraient suffisaient à produire le quart de l’énergie consommée dans le quartier.
« Ne pas s’éparpiller »
Il n’y avait pas que la météo qui était maussade : quelques dizaines de manifestants s’étaient massés près de l’église de la ville, à quelques pâtés des nouvelles installations électriques. Sans remettre en question la valeur ni la pertinence de ce projet, ils tenaient à rappeler, en ce triste jour d’anniversaire, que la question du passage de convois pétroliers au cœur de Lac-Mégantic n’est toujours pas réglée.
« On veut simplement s’assurer que les politiciens ne vont pas s’éparpiller dans plein d’autres projets et oublier nos demandes par rapport au transport du pétrole à Mégantic », a expliqué au Devoir une manifestante, juste avant de respecter une minute de silence tenue en mémoire des 46 personnes qui ont perdu la vie dans l’explosion du 6 juillet 2013.
Julie Morin, la mairesse de Lac-Mégantic, assure qu’elle n’oublie pas. « C’est vrai que huit ans, c’est long. Mais notre priorité en ce moment est d’avoir une voie de contournement », a-t-elle affirmé. Sa construction devrait débuter en 2022 et elle devrait entrer en service en 2023, promet-elle. À partir de ce moment, le pétrole qui transite par train devrait ne plus passer par le centre-ville de Lac-Mégantic.
Premier microréseau électrique
Une quarantaine de bâtiments ont été démolis au centre-ville à la suite de l’explosion de 2013 et il en ressort aujourd’hui un peu de bien : ils ne cachent plus le lac situé tout juste derrière la ville, près de la grande place aménagée autour des rails pour rappeler la tragédie. Un pavillon d’interprétation sera construit tout près pour illustrer ce que représente ce nouveau microréseau électrique dont vient d’hériter Lac-Mégantic.
Ce pavillon s’avère doublement utile, car, contrairement au lac, à moins de grimper sur le toit du complexe sportif municipal, il est impossible d’apercevoir le parc solaire financé à hauteur de 10,2 millions de dollars par Hydro-Québec et le fédéral.
Ce microréseau s’inspire de ce qui a déjà été réalisé pour alimenter en énergie renouvelable certaines communes de la France, entre autres. Il s’agit d’un petit réseau local d’électricité qui peut s’autosuffire par moments, tout en tirant son énergie du réseau public lorsque nécessaire. Le réseau de Lac-Mégantic est le premier du genre au Québec ; c’est aussi le premier formé de composants presque entièrement québécois.
« La plus belle forme d’énergie est l’énergie humaine, et ce qu’on vit aujourd’hui en est la preuve », a déclaré la p.-d.g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, au moment de présenter le microréseau. « C’est de cette énergie qu’est venue l’idée de créer quelque chose qui n’existait pas auparavant. »
En plus des capteurs solaires de la société Stace, de Saint-Augustin-de-Desmaures, ce réseau comprendra à terme des batteries d’une capacité de 700 kilowattheures mises au point par Evlo, la filiale d’Hydro-Québec spécialisée dans le stockage d’énergie. Plusieurs autres composants pour relier le tout au réseau d’Hydro-Québec ont aussi été conçus sur mesure pour Lac-Mégantic.
Le ministre québécois des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a précisé que cette technologie de microréseau jouera un rôle important dans le plan de transition énergétique du Québec. « Mégantic agit comme une vitrine technologique qui nous aidera à décarboniser les 22 réseaux éloignés et non connectés qu’Hydro-Québec possède ailleurs au Québec », a-t-il indiqué. Déjà, les Îles-de-la-Madeleine sont sur le radar de la société d’État pour une deuxième application de la technologie, selon un ingénieur d’Hydro-Québec présent sur place.
« Les Méganticois participent désormais à la transition énergétique du Québec », a ajouté la mairesse, Julie Morin, au moment d’inaugurer son nouveau réseau. « Aujourd’hui, nous nous tournons vers l’avenir. Nous savons que nous pouvons nous relever. C’est une belle journée, et l’avenir l’est tout autant. »